Alphonse Marie ON-LINE

Si nous nous souvenons de l’histoire, de la vie et de la sainteté de la vénérable servante de Dieu, c’est avant tout parce que le courage et l’audace de sa réponse quotidienne, à la Parole de l’Evangile « va et agis de même ! » (Lc. 10,37) demeure un chemin de vie pour les chrétiens du 21ème siècle et du 3ème millénaire. Elle croyait qu’il était possible d’éveiller la vie de Foi là où elle existait peu et de la raviver là où elle était affaiblie.

Son Esprit et son Charisme demeurent bien vivants aujourd’hui, ainsi Elisabeth (Mère Alphonse Marie) est, en quelque sorte, présente parmi nous. Que nous dirait-elle, si nous lui posions quelques questions ? Aussi, soyons à l’écoute…

Mère Alphonse Marie, vous êtes issue d’une famille chrétienne et viviez en un temps où la Foi chrétienne n’était pas particulièrement estimée. Quels souvenirs avez-vous de votre enfance?

Je suis originaire de Niederbronn – une petite ville thermale, au sein de laquelle il y eut sans cesse une vie animée. Mes parents étaient des gens simples, travailleurs. Ils nous apprirent à pratiquer l’amour de Dieu et du prochain. Mes parents avaient la louable habitude de prier tous les soirs le chapelet et la litanie de la mère de Dieu. Lors de journées très chargées en travail, nous priions la litanie, cinq « Notre Père » et cinq « Ave Maria ». Souvent ils nous parlaient, à nous les enfants, de l’amour de notre Sauveur.

L’exemple de vos parents avait-il une grande influence sur vous?

Certainement. Mes parents furent pour moi les premiers messagers de la Foi. Je me rappelle plus particulièrement un évènement qui, dans ma jeunesse, a profondément marqué mon âme, et m’a accompagné durant toute ma vie. Souvent je me suis rappelé combien Jésus a souffert à cause de nous. Une fois la question a surgi en moi ; pourquoi cette souffrance ? Ce jour-là, ma mère me prit avec elle pour aller aux champs. En route nous avons passé près d’une croix ; je la regardai et posai la question à ma mère : « Pourquoi ont-ils ainsi crucifié notre Sauveur ? » Ma mère me répondit : « Mon enfant, ce sont nos péchés qui ont fait cela. » Je lui demandai alors : « Qu’est-ce donc qu’un péché ? » Sa réponse, toute simple, m’a conduite à la promesse : « Si c’est cela un péché, je ne veux plus le faire. »

Qu’est-ce qui vous vient à l’esprit lorsque vous vous souvenez de votre temps de scolarité?

Je me réjouissais beaucoup de pouvoir aller à l’école parce que j’espérais entendre beaucoup de choses sur Dieu et apprendre à mieux le connaître. Mais ma première journée de classe fut, pour moi, une énorme déception. L’instituteur me plaça près d’enfants qui se permettaient toutes sortes d’expressions vulgaires. J’étais contrainte d’entendre cela. Quelquefois je ne pouvais pas dormir, lorsque je me souvenais de l’école. Par bonheur, cela a changé au bout d’une demi année. L’instituteur me plaça dans un banc près du pupitre. Je n’étais plus obligée d’entendre des paroles irrespectueuses et pouvais en même temps mieux suivre les enseignements du maître. C’est ensuite que je pris de nouveau du plaisir pour me rendre à l’école.

Quelles heures d’enseignements avez-vous le plus appréciées?

Bien sûr, celles de la religion. Lorsque monsieur le curé venait à l’école et entrait dans la classe, je portais sur lui un regard plein de respect. Mais je n’avais pas encore le droit de rester à son cours ; ce n’est qu’à l’âge de 10 ans que j’eu l’autorisation d’y participer. Je me souviens comment nous, les plus petits, étions assis devant le maître. C’était magnifique ! Chaque fois que je revenais à la maison, après l’enseignement donné par notre curé, je réfléchissais sérieusement à tout ce qui avait été dit.

D’après vos paroles je puis conclure que le respect que vous portiez à vos parents, vous l’aviez également vis-à-vis de l’instituteur et du curé qui vous prodiguaient l’enseignement ? Vous souvenez-vous avec bonheur de ces maîtres ?

Oui, non seulement j’avais de l’estime vis-à-vis de monsieur le curé, mais également à l’égard du maître, que je tenais en grande considération. Lorsqu’il m’arrivait d’entendre des paroles négatives contre l’un ou l’autre, je pleurais et priais Dieu qu’il veuille changer les cœurs de ceux qui se permettaient ces discours de méchanceté. Et lorsque je m’aperçus que mes compagnons de classe offensaient le maître, je priais Dieu avec larmes, qu’il ne permette plus de tels affronts. Lorsque c’était vis-à-vis de monsieur le curé, j’étais encore plus touchée.

Après la période de votre enfance, qui fut marquée par l’amour de Dieu et du prochain, vos années de jeunesse eurent une grande influence sur votre relation à Dieu – comme chez tous les adolescents. Quels étaient ces moments ?

Rétrospectivement, je considère ce temps-là comme très bénéfique, mais à l’époque, ce fut très dur pour moi. Au fur et à mesure que je grandissais, ma vie était accompagnée de grandes épreuves intérieures. Je n’avais aucun goût pour la prière, rien que répugnance et aversion. Quelquefois j’éprouvais tellement d’ennui durant la prière, que toute ma nature se révoltait. Je savais que cela ne pouvait durer ainsi. Je décidai de confier mes difficultés à mon confesseur et de me fier à son conseil. Mais ce ne fut pas très facile. Mes souffrances intérieures durèrent environ une année. Elles devinrent si violentes que mon corps en fut affaibli et que ma santé déclina. La seule chose qui m’aida durant ce temps, ce fut mon obéissance vis-à-vis de mon confesseur.

Une santé affaiblie ?

Lorsque j’eus 17 ans, des souffrances corporelles succédèrent à mes souffrances intérieures. Ma maladie était très douloureuse en ses débuts, mais mes peines intérieures étaient plus vives encore. Je voyais une mort prochaine. A cause de mes terribles souffrances, je ne pouvais pas parler, mais seulement faire des signes. Mon état psychique était extrêmement tourmenté et une maladie tuberculeuse m’affecta durant près de 3 ans.

N’avez-vous pas fait des reproches à Dieu de ce qu’il permette cela ?

Non, tout au contraire. La seule consolation dans ma vie, ce fut la croix. Durant les nombreuses heures de maladie au lit, une demande, qui remontait à mon enfance, me préoccupait sans cesse : que je garde un cœur pur, que je devienne une sainte et que j’accomplisse toujours la volonté de Dieu. A cette époque je songeais également à consacrer toute ma vie à Dieu. La maladie devint pour moi une « école de vie ». J’appris à compatir à la souffrance d’autres personnes.

L’homme d’aujourd’hui a de grands problèmes pour accepter la réalité de la souffrance. Que lui conseilleriez-vous ?

Je sais que les souffrances sont douloureuses, mais elles peuvent être précieuses pour nous. Elles nous détachent de nous-mêmes, tuent notre amour propre et nous rendent disponibles pour nous donner totalement à Dieu. Que la perspective du paradis donne des forces à tous ceux qui souffrent !

La question de la passion du Christ et de la souffrance humaine a été importante dans votre vie. En réponse à cette affliction vous étiez prête à collaborer avec le Sauveur et vous avez trouvé le courage de créer une Congrégation religieuse. Pourriez-vous, s’il vous plait, décrire simplement le projet de cette communauté ?

L’esprit des Sœurs du Très Saint Sauveur doit être l’Esprit de Jésus Christ. Toute leur vie doit tendre à s’identifier à celle du Christ Sauveur. Son esprit doit complètement les animer, les pénétrer de telle sorte qu’on le retrouve dans chacune de leurs actions et de leurs paroles. La mission de notre Congrégation est de témoigner de la tendresse et de la miséricorde de Dieu partout où notre prochain est en souffrances

Pourquoi vous êtes-vous décidée, en tant que Sœur du Très Saint Sauveur, à servir avant tout les pauvres et les malades ?

Cela a été ma ferme volonté, mon projet, servir de jour comme de nuit, les pauvres et les malades et les aider. Pour cela je comptais sur l’aide de Dieu, sur sa miséricorde et sur la protection des saints. Je crus fermement que Dieu m’aidera toujours et écoutera mes demandes.

L’amour de Jésus vis-à-vis de Dieu le Père et du prochain s’est surtout manifesté à travers la prière et le service. Je suppose que cela vous l’avez particulièrement recommandé à celles qui vous ont suivie sur ce chemin. Comment devons-nous prier en vérité ?

La véritable prière vient du cœur. Je ne pense pas qu’il nous soit défendu de nous adresser à Dieu comme notre cœur nous l’inspire. Au contraire, exposons avec confiance à Dieu nos sentiments et nos désirs. Lorsque nous prions, Jésus est avec nous. Nous ne pouvons discerner la volonté de Dieu que si, grâce à la prière, nous sommes parvenues à établir une relation profonde avec Lui.

Et si Dieu n’exauce pas ma prière ?

Il est impossible que nous ne soyons pas exaucées, lorsque nous mettons toute notre confiance en Dieu et que nous le prions avec ferveur. Ayons confiance en Dieu, espérons et attendons tout de Lui. S’il nous fait attendre, c’est pour notre bien.

La prière est-elle donc si importante ?

Une âme a besoin de ne faire rien d’autre que de ne pas négliger la prière, pour se perdre. De même que le corps ne peut subsister sans nourriture, l’âme ne peut vivre sans la prière.

L’amour du prochain fait partie du commandement de l’amour de Dieu. Comment le comprenez-vous ?

Aucun effort, aucune peine, aucun sacrifice ne doit être de trop quand l’amour du prochain l’exige. Il est triste de voir des âmes, qui approchent souvent de la Sainte Table, nourrir en elles-mêmes des aversions, une sorte de haine pour le prochain. Apprenons à nous supporter mutuellement. Apprenons surtout à pardonner et à oublier.

Mère Alphonse Marie, dans l’Eucharistie vous découvrez le véritable centre de votre vie, de votre service, ainsi que la force spirituelle pour accomplir les missions apostoliques. Qu’est-ce que cela signifie pour la Congrégation que vous avez fondée ?

Cela signifie : vivre avec le regard fixé sur la croix et puiser la force spirituelle dans la présence eucharistique du sacrifice de la croix. Chercher à construire la communauté des sœurs et à consolider son unité.

Votre devise est ; « Tout pour Dieu et le salut des âmes ». Pour quelle raison ?

Dieu est mon tout. Et le salut des âmes ? J’aime les pécheurs, je vois en eux des créatures de Dieu, des êtres aimés par Lui. J’offre mon sang et ma vie pour les sauver. Dieu a créé l’homme pour le bonheur, je veux l’aider à trouver sa béatitude !

Nous vivons dans un monde « d’hyper technicité », des accidents et des catastrophes sont à l’ordre du jour. Que conseilleriez-vous à ceux qui décident de s’engager « sans limites » pour sauver, servir et soulager les détresses de toute nature ?

Ne cherchez, dans ce genre d’engagements, non les honneurs et l’estime des hommes, mais efforcez-vous de ne plaire qu’à Dieu seul. Luttez courageusement comme des soldats du Christ. Ne cédez pas à vos faiblesses et résistez avec vigueur au découragement ! Suivez humblement le Christ dans son amour et sa bonté, dans ses souffrances ! Pour mes sœurs, je crains comme le feu la gloire du monde. Je les rends toujours attentives, à penser davantage à Dieu et à leur prochain, plus qu’à elles-mêmes. Je ne peux consentir que mes sœurs soient glorifiées par le monde. C’est Dieu seul qui est notre récompense et notre gloire.

Mère Alphonse Marie, merci pour cet entretien.
Et qu’aimeriez-vous ajouter pour conclure ?

Ayez courage ! Dieu est avec vous, lorsque vous accomplissez sa volonté !